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3ème dimanche de Pâques 2020

vendredi 24 avril 2020Non classé

Les pèlerins d’Emmaüs

 

   « Des cailloux, toujours des cailloux, y en a marre ! Ce paysage qui n’évolue pas. Et tes messes, toujours les mêmes prières, il n’y a rien de neuf ! »

   Le cri du cœur, de rage, des amis qui marchent avec moi. C’est le quatrième jour de randonnée dans le désert, dans le Hoggar. Notre horizon : une « montagne magique », l’Assekrem ! Mais pour y arriver, que d’heures de marche qui n’en finissent pas !

   Même impression sur les longs plateaux espagnols. Le soir, le sentiment de ne pas avoir avancé, tant la barre montagneuse à l’horizon n’évolue pas. C’est ce que m’ont raconté des marcheurs vers St Jacques de Compostelle.

   Ces expériences volontaires de longue marche éclairent facilement ce temps de confinement. C’est un temps répétitif ; l’horizon s’est singulièrement limité à un kilomètre (pour bon nombre d’entre nous) ; et notre univers relationnel est bien maigre (même s’il s’élargi grandement avec les moyens de téléphonie et autres).

   Cela nous ramène à cette vie ordinaire où rien de neuf n’advient. Même avant le confinement, pour bien des personnes, c’est le même horizon de semaines en semaines ; même travail répétitif, peu motivant, ingrat ; les mêmes rituels du week-end ; les mêmes conversations limitées à quelques personnes. Quoi de neuf ?

   Et ce confinement nous fait penser aussi à tous les enfermés involontaires : malades ou blessés, personnes âgées isolées, marins …

   Oui cette vie peut sembler bien triste, avec un horizon inconnu donc inquiétant. « Nous, nous espérions » … quelque chose de neuf, de grandiose. Nous retournons chez nous ! Expérience de ces deux pèlerins en marche vers Emmaüs. Expérience des apôtres qui retournent à leur filet de pêche au bord du lac de Tibériade.

   Il marche avec nous, sur nos chemins d’inquiétude, sur nos chemins de déception, dans notre vie ordinaire. Il marche avec nous dans ce confinement et cette heure d’aération quotidienne (si nous pouvons la prendre). Il se mêle à notre vie. Il nous demande de raconter notre vie, nos espoirs.

   C’est dans cette conversation qu’il nous éclaire. Il met en lumière des textes sacrés ; des textes que nous pouvons encore et toujours méditer ; des textes qui décrivent l’espérance et la souffrance d’un peuple. Déjà une première traversée du désert où le peuple regrette les viandes d’Egypte, où Moïse tire vers un ailleurs. Il raconte ces prophètes qui inlassablement ont contré les perversions qui se logent dans le cœur des hommes.

   C’est tout ce chemin qui amène au repas, à l’eucharistie, à la découverte de l’identité de celui qui marche avec nous. Le sacrifice ultime de Jésus-Christ sur la croix est la conséquence de toute une vie donnée, attentive à toutes les situations humaines, particulièrement celles faites de souffrances ou d’enfermements.

   Nous sommes aujourd’hui encore privé de l’eucharistie, de ce signe visible de sa présence. Mais le texte d’Emmaüs nous rappelle tout ce qui prépare le geste du partage du pain. Notre vie trop ordinaire, trop confinée, trop ennuyeuse certains jours, est déjà lieu de sa présence. Que nos yeux s’ouvrent, que nos cœurs soient attentifs à cette vie, à l’exemple de la Vierge Marie – qui retenait tous les évènements dans son cœur –  … et nous pourrons encore plus le célébrer dans la joie de l’eucharistie dès que possible.

                                                                                                                                                                           Abbé Marcel Maurin