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Christ-Roi de l’Univers

lundi 25 novembre 2019Expression de l'évêque

Homélie du Christ-Roi de l’Univers – Journée de la Diaconie – Fécamp

Ce dimanche est le dernier de l’année liturgique. L’Église nous propose de contempler le visage du Christ Roi de l’Univers. Si cette vision du Christ Roi est située par l’Église au terme de l’année liturgique c’est pour nous inviter à garder cette image du Christ comme terme de notre vie mais aussi comme terme de l’histoire. Nous nous demandons parfois : où va ma vie ? Où va le monde ? Célébrer le Christ, Roi de l’Univers, c’est entendre la réponse que notre foi chrétienne peut accueillir. Si notre monde a eu un commencement, s’il a connu toute une évolution qui se poursuit encore, il aura aussi une fin. Le monde n’est pas éternel. Et nous en reprenons conscience en ces temps d’inquiétude écologique. Dans la foi, nous affirmons que notre vie comme notre monde vont vers leur accomplissement, et que celui-ci réside en Christ, comme saint Paul nous le rappelait. Voilà l’espérance que la foi chrétienne nous donne : chacune de nos vies et notre monde sont intégrés dans la réalisation du plan d’amour de Dieu. Cela détermine nos façons de vivre, de prendre en charge notre environnement et de prendre soin les uns des autres. Il nous faut vivre à hauteur de la fraternité vers laquelle Dieu conduit notre humanité. L’Église est concernée par ce projet au nom même de sa foi en Jésus. N’est-il pas venu semer dans notre terre, le Royaume de Dieu afin qu’il grandisse jusqu’à son accomplissement ? Servante de l’Évangile du Royaume, l’Église reçoit la vocation et la mission de témoigner que cette fraternité est possible, en s’édifiant comme une communauté fraternelle et responsable, signe du Royaume qui grandit inéluctablement dans notre monde et qu’aucune force maléfique ne peut compromettre.

Le Royaume du Christ est un monde où les petits sont premiers servis, les oubliés et les exclus sont au centre.

Moqué par le pouvoir, Jésus est qualifié de roi des juifs. Mais un des malfaiteurs crucifiés à ses côtés, le reconnait comme tel. Et il lui demande : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Et nous, savons-nous reconnaître en Jésus le Roi de l’Univers ? 

Si nous célébrons Jésus comme Roi, il nous faut veiller sur ceux et celles qui sont ses préférés. Le Royaume du Christ est un monde où les petits sont premiers servis, les oubliés et les exclus sont au centre. Le Royaume du Christ bouleverse et renverse la logique de notre société. Oui, vraiment, c’est un Roi bien curieux que nous célébrons et que nous voulons servir !

Voilà un roi qui n’a jamais possédé de terre. Juste un monde en mal d’amour et en quête d’espoir qu’il a cherché et cherche encore à habiter pour partager la vie des hommes, et en priorité les plus démunis et les plus pauvres. Un monde qu’il aime encore même quand les hommes se déchirent. Un monde qu’il aime encore même quand les peuples se font la guerre. Un monde qu’il aime encore même quand le frère ignore son frère. Un monde qu’il s’obstine à aimer, même quand tout semble perdu, quand la justice semble d’éteindre. C’est pour l’amour, la vérité et la justice qu’il est venu habiter le monde des hommes. Pour que l’homme vive, se relève de ses médiocrités et de son péché pour assumer sa responsabilité de bâtir avec les autres une terre fraternelle.

Le Royaume de ce Roi singulier n’est pas un territoire limité par une frontière et gardé pour empêcher l’accès aux étrangers. Il s’établit partout où se lève un peu de fraternité, où fleurit la justice, où germe la réconciliation, où s’étend la solidarité. C’est le Règne de l’amour qui s’établit dans les cœurs avant de prendre corps dans l’espace des relations sociales. Ceux qui se laissent toucher par ce Roi vagabond deviennent des artisans de paix et des nomades de la fraternité. Ce Roi-là n’a jamais eu de sujets à commander. Juste des frères qui attendaient et attendent encore de lui la justesse de leur humanité et de leurs relations. Dans son Royaume, pas de piston, pas d’affairisme ni de magouille, pas de titre honorifique, pas de gens qui imposent leur volonté ni des gens qui se soumettent, pas de premiers et pas de derniers : il n’y a que des frères et sœurs.

Le Roi de l’Univers vient vers nous, non pour nous dire comment nous devons faire, mais pour nous apprendre à devenir des hommes et des femmes libres, libres d’aimer et libres d’œuvrer à bâtir la civilisation de l’amour. Ceux qui sont les compagnons de ce Roi deviennent des êtres libres comme Lui.

Ceux qui se laissent toucher par ce Roi vagabond deviennent des artisans de paix et des nomades de la fraternité.

Ce Roi n’a ni serviteurs ni esclaves, juste des frères. Il ne commande pas de l’aimer et de le servir, mais il nous invite à nous aimer les uns les autres comme il nous aime. C’est pour le dire qu’Il est venu. Pas pour donner des leçons. Pas pour bavarder, ni causer gentiment. Simplement pour offrir une Parole vivante qui ouvre l’humain à l’essentiel. Ceux qui écoutent ce Roi deviennent des hommes de parole, des vivants d’amour.

Ce Roi n’a jamais eu de palais. Pas de maison. Pas de château. Pas même une pierre où il aurait pu reposer la tête. Il a un Père chez qui il demeure. Un Père au cœur brûlant d’amour. C’est ce Père qu’Il est venu nous révéler. Un Dieu proche. Un Dieu qui propose à l’homme d’habiter son Amour, de demeurer en Lui. Ceux qui se laissent toucher par ce Roi sans domicile, ce Roi S.D.F, deviennent eux-mêmes des nomades de l’avenir, des artisans de la famille humaine.

L’engagement des chrétiens dans leur environnement social, contribue à étendre le Royaume de justice et de fraternité que le Christ, Roi de l’Univers, est venu inaugurer sur la Croix, signe d’une vie totalement donnée par amour.

Heureux sommes-nous ce matin, de nous rassembler autour de ce Roi qui se fait notre frère et qui ne cesse d’inspirer nos initiatives de partage et de solidarité pour que vive et s’élargisse la fraternité. Elle est le véritable horizon de ce monde que le Christ a sauvé.

+ Mgr Jean-Luc Brunin

Évêque du Havre