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Homélie de l’ordination de Sébastien et de Vincent

mercredi 18 octobre 2017Expression de l'évêque

Homélie de l’ordination de Sébastien et de Vincent – 15 octobre 2017

Les textes de l’Écriture que nous avons proclamés, viennent éclairer le sens profond de votre engagement, Sébastien et Vincent. Avec le consentement de Marie-Hélène et de Nathalie, vous avez accepté de laisser votre vie être consacrée par le Seigneur pour qu’elle s’ordonne toute entière à la diaconie de notre Église, vous configurant ainsi au Christ Serviteur.

Vous êtes un peu comme les lévites dont parle le livre des Nombres dans la première lecture. Dieu a mis à part les fils de Lévi pour en faire les serviteurs du sanctuaire. Alors que la grande majorité du Peuple de Dieu, devenu idolâtre, s’était tourné vers le veau d’or pour l’adorer et le servir, eux étaient restés fidèles au Seigneur (Exode 32, 26-29). Ainsi sont-ils maintenant choisis pour le service d’Aaron, grand prêtre et porte-parole de Moïse pour faire connaître la volonté de Dieu. Mais ils sont institués aussi pour le service de la communauté (verset 7). Servir le Seigneur dans son sanctuaire, annoncer la Parole de Dieu et servir la communauté des croyants, l’un ne va pas sans l’autre ! Ordonnés diacres, vous seconderez les prêtres dans le service de la liturgie. Vous ne serez pas des prêtres au rabais, mais votre place dans la liturgie de la communauté sera toujours comme en décalage. Vous manqueriez à votre mission si l’on vous confondait avec l’ordre presbytéral. Vous êtes, au cœur de la communauté et aussi dans la liturgie, les témoins de l’ailleurs. Cet ailleurs où des hommes et des femmes avancent dans la vie, souvent à tâtons ou dans le doute, sans la lumière de l’Évangile. Ce peuple qui marche dans les ténèbres et qui aspire à trouver sens à sa marche. Aucune communauté ne peut se replier sur elle-même pour ronronner dans un entre-soi, même pieux, oubliant tous ceux et celles à qui l’Evangile du Christ est destiné. Ce sera votre mission de rappeler aux « disciples-missionnaires » du Christ, les terres qui n’ont pas encore été ensemencées par l’annonce de l’Evangile. Les diacres du diocèse doivent pouvoir aider les communautés à organiser des temps forts missionnaires dans des espaces où l’Evangile est peu ou pas connu.

Vous êtes, au cœur de la communauté et aussi dans la liturgie, les témoins de l’ailleurs. Cet ailleurs où des hommes et des femmes avancent dans la vie, souvent à tâtons ou dans le doute, sans la lumière de l’Évangile

L’épisode de Philippe rapporté par les Actes, dans la seconde lecture, vient de façon heureuse, spécifier votre ministère de la Parole. Dans ce passage, il ne s’agit pas de l’apôtre Philippe qui apparaît dans les listes des Douze, mais de l’un des Sept, les « Hellénistes » institués diacres par les apôtres (Actes 6,1-5). C’est lui qui a évangélisé la Samarie (Actes 8,5-8). « L’ange du Seigneur adressa la parole à Philippe en disant : « Mets-toi en marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; elle est déserte ».

On imagine bien les jours heureux vécus par Philippe parmi les croyants de Samarie. Aussi doit-il être étonné quand le Seigneur l’appelle à quitter son champ de travail pour se rendre sur un chemin désert ! Étrange endroit, vraiment, pour y annoncer l’Evangile ! Cependant, Philippe obéit sans discuter.

Et voici qu’en cet endroit désert, Philippe croise le char d’un haut fonctionnaire africain. Il revient de Jérusalem où il a effectué un pèlerinage. C’est un prosélyte, c’est-à-dire un non-Juif passé au Judaïsme, mais les Juifs ne voyaient encore en lui, rien d’autre qu’un païen. Cet homme ramène un trésor de son pèlerinage : un texte des Ecritures, un passage du prophète Isaïe. Dans le désert où le diacre Philippe est envoyé, le Seigneur a placé un homme de bonne volonté qui découvre les Ecritures. Aucune portion d’humanité ne peut être désertée par le Seigneur. Il se trouve toujours déjà présent au-delà des frontières de la communauté, partout où Il nous envoie. Et il attend que les croyants sortent pour rejoindre ces « périphéries existentielles » comme se plait à le dire notre pape François. Tous les disciples du Christ sont invités à entrer dans ce mouvement vers l’ailleurs, déjà habité par le Seigneur. Sébastien et Vincent, il vous appartiendra comme diacres, à organiser et animer ce mouvement de sortie missionnaire pour les communautés que vous servirez comme ministres ordonnés.

Sébastien et Vincent, il vous appartiendra comme diacres, à organiser et animer ce mouvement de sortie missionnaire pour les communautés que vous servirez comme ministres ordonnés

Philippe entend que l’homme est en train de lire à voix haute, un passage du livre d’Isaïe. « Comprends-tu ce que tu lis ? » La question pose un écart entre “ lire ” et “ comprendre ”. La question de Philippe ne porte pas sur un problème de savoir manquant. Ce fonctionnaire éthiopien ne manque pas d’intelligence. L’écart entre “comprendre” et “lire” ne peut être comblé par le seul accroissement de connaissances. Comprendre ce qui est lu nécessite un accompagnement qui ne se réduit jamais à la seule transmission de savoirs et de notions théoriques. Les Ecritures ne peuvent devenir Parole que lorsqu’elles sont mises en relation avec Quelqu’un qui en révèle le sens, le Christ Ressuscité ! L’éthiopien le pressent lorsqu’il demande à Philippe « de qui le prophète parle-t-il ? ». Pour tout chrétien, l’Ecriture ne peut se comprendre et devenir Parole qui éclaire et oriente l’existence, que lorsqu’elle est rapportée à Jésus. C’est le cœur du message de l’Evangile qu’il faut veiller à ne pas noyer dans des prescriptions morales, des énoncés doctrinaux ou dans des rites désincarnés et abscons. C’est là encore une dimension de votre mission diaconale, Sébastien et Vincent. Vous êtes envoyés à vos frères et sœurs pour les aider à accueillir la Parole de Dieu qui est, comme pour l’éthiopien, notre « compagne de voyage » (Amoris laetitia) qui accompagne et guide notre parcours de vie. Pour cela, vous devez devenir des familiers de la Parole de Dieu pour la servir parmi nos contemporains de toute condition et dans toute situation.

Enfin, ayant découvert le Christ dans la figure du Serviteur souffrant évoqué par Isaïe, le fonctionnaire africain demande ce qui l’empêche d’être baptisé. La rencontre authentique avec le Christ fait naitre le désir de lui appartenir et de le suivre. C’est ce désir que l’homme exprime à Philippe qui s’exécute immédiatement en le baptisant. L’Esprit qui habite désormais l’éthiopien, enlève Philippe pour qu’il poursuive sa mission ailleurs.

Le diacre ne s’installe jamais définitivement dans le confort douillet d’une communauté… Sébastien et Vincent, il vous faudra toujours partir ailleurs, dans les déserts que le Seigneur vous indiquera

L’accueil de la Parole engendre à la foi qui conduit au baptême. Mais celui qui a annoncé la Bonne Nouvelle de Jésus s’efface lorsque le baptisé est entré en relation avec le Christ et lorsque l’Esprit, désormais, habite en lui. L’Esprit pousse Philippe vers l’ailleurs, là où des gens cheminent sans savoir encore que le Christ est présent à leur vie. Le diacre ne s’installe jamais définitivement dans le confort douillet d’une communauté. Sébastien et Vincent, puisant dans les ressources que vous procurent la fréquentation des Ecritures saintes, des sacrements de la foi et de la grâce du sacrement de mariage, il vous faudra toujours partir ailleurs, dans les déserts que le Seigneur vous indiquera et où Il est à l’œuvre pour préparer le terrain de sa mission. Il vous redit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ».

Sébastien et Vincent, et vous aussi Marie-Hélène et Nathalie, faites confiance à Son Esprit pour oser entraîner les fidèles du Christ dans ce mouvement de sortie pour annoncer l’Evangile et faire exister une Eglise en service d’humanité.


+ Jean-Luc Brunin
Évêque du Havre