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Méditation de Mgr Brunin – 17 mai

lundi 18 mai 2020Expression de l'évêque

Méditation pour le 6ème dimanche de Pâques (année A)

Nous continuons d’accueillir dans l’évangile de saint Jean, ce dimanche, les paroles que Jésus adresse à ses disciples au moment où il s’apprête à les quitter.

 

Une seconde phase de la mission du Christ

Jésus a compris qu’il lui fallait aller jusqu’au bout pour accomplir ce pour quoi le Père l’a envoyé dans le monde. Il sait que la première phase de sa mission arrive à son terme. Le prophète de Galilée avait invité les hommes à l’accueil du Règne de Dieu qui, avec lui, s’est approché d’eux. Il les avait exhortés à la conversion du cœur et avait nourri leur désir de voir leur vie changer, de découvrir leur monde devenir plus accueillant, plus juste et plus humain. Mais sa mission ne pouvait s’arrêter là. Jésus n’aurait été qu’un de ces sages et prophètes que notre histoire humaine a comptés. L’enseignement de Jésus ne fait pas nombre avec les systèmes philosophiques ou politiques. La mission que le Père lui a confiée va plus loin qu’un simple enseignement. Il ne donne pas seulement des principes et des valeurs pour que le monde aille un peu mieux. Consentant à livrer sa vie, il lui faut affronter la mort et la vaincre pour offrir aux hommes, un avenir qui a dimension d’éternité. C’est l’enjeu de la seconde phase de sa mission à laquelle Jésus prépare ses disciples. Il doit, par son mystère pascal, transcender l’espoir des hommes en une existence qui s’améliore, en une véritable Espérance d’une humanité profondément renouvelée dans l’amour et qui ouvre sur une éternité de Vie.

Quelle est l’espérance que j’accueille dans la célébration du mystère pascal ? Par mon baptême dans la mort et la résurrection du Christ, je lui appartiens. Quelles perspectives de renouvellement de mon existence s’ouvrent pour moi ?

Pour prolonger ma méditation : « l’Évangile n’est pas uniquement une communication d’éléments que l’on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l’avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l’espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée » (Benoît XVI, Encyclique Sauvés dans l’espérance, n°2).

 

Aimer et obéir ?

Saint Jean évoque souvent dans son évangile comme dans ses lettres, l’amour de Dieu… l’Amour qu’est Dieu ! Jésus a été, à-travers une humanité singulière et concrète, la révélation universelle de l’Amour Miséricordieux du Père pour tout homme et pour tous les hommes. C’est pourquoi nous pouvons éprouver un malaise devant les paroles de Jésus dans ce passage d’évangile. Il y a quelque chose de paradoxal dans la double invitation à aimer Jésus et à observer ses commandements. Jésus ne craint d’ailleurs pas de faire jouer le paradoxe en affirmant : « si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ».

Aimer et commander ! Peut-être avons-nous le réflexe de départager ces deux demandes de Jésus. Spontanément, nous pensons la Nouvelle Alliance comme le temps de l’Amour de Dieu alors que la première Alliance serait celle des commandements divins. Quand l’amour porte une relation, est-il besoin de commander ? En fait, le paradoxe n’est qu’apparent dans la vie et dans l’enseignement de Jésus. L’amour ne peut se réduire à un seul élan du cœur, un sentiment vague et fugace. Pour devenir un reflet de l’Amour de Dieu, notre amour humain doit pouvoir prendre corps dans des comportements, des gestes, un savoir-faire, un savoir-vivre et un savoir-être avec les autres.

Dans le chapitre 13 de la première lettre aux chrétiens de Corinthe, Paul dit la nécessité de l’amour : « si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante » (1 Cor 13, 1). L’amour n’est pas un don de Dieu qui fait nombre avec les autres dons. Il est la dynamique nécessaire à la mise en œuvre de tous les dons que Dieu nous accorde. L’amour est chemin ouvert qui conduit vers tous. « Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence » (1 Cor 12, 31). De même qu’un chemin est fait pour y marcher, l’amour est essentiellement une expérience. S’il est un élan naturel, l’amour est bien davantage qu’un mouvement pulsionnel. Comme tel, il serait que fugace, tourné vers soi et ne plus être démarche vers l’autre.

Voilà pourquoi Jésus articule amour et commandement. L’aimer, c’est garder ses commandements qui balisent le chemin de la rencontre et de la vie partagée avec les autres. Pas plus que Jésus, saint Paul ne nous donne aucune définition de l’amour. Il dresse une liste, non limitative mais suffisante, de tout ce que l’amour fait et aussi de ce qu’il ne fait pas. Ce chemin de l’amour fut celui de Jésus parmi nous. Mais un chemin qui nécessite des repères !

Poursuivons la méditation des paroles de saint Paul sur l’expérience de l’amour : « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout » (1 Cor 13, 4-7).

 

Avancer sur un chemin de sainteté

Aimer le Christ et garder ses commandements. Tel est le chemin pour réaliser notre vocation baptismale, pour devenir ami du Christ. L’amour du Christ suppose présence et intimité avec Lui. C’est pour cela que Jésus prend le temps d’assurer ses disciples qu’il ne les laissera pas orphelins. L’Esprit Saint qu’il va leur envoyer d’auprès du Père, au jour de la Pentecôte, garantira dans leur vie, la présence du Christ et l’intimité de sa relation avec eux.

Sans l’attachement à Jésus, il n’est pas possible de garder ses commandements. Sans l’Esprit Saint qui nous attire vers Jésus, il n’est pas d’amour qui dure dans une humble fidélité à ses commandements. Un amour sans commandements, c’est un sentiment vague qui génère une spiritualité mièvre et inconsistante. On s’illusionne sur notre attachement au Christ, on le soustrait à l’épreuve du réel. Mais suivre des commandements sans amour, c’est vivre une foi desséchée qui génère un rigorisme légaliste. 

Aimer Jésus et garder ses commandements : voilà la ligne de crête sur laquelle tout disciple doit pouvoir avancer. C’est le chemin de la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés au titre de notre baptême. L’amour du Seigneur ne nous rejoint pas au sommet de la perfection mais dans les recoins les plus sombres et complexes de nos relations avec les autres. A la source de notre vie de disciple, il y a une parole d’amour qu’il nous faut réentendre sans cesse: « c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, un fruit qui demeure ». Pour répondre pleinement à la confiance que le Christ nous accorde, il nous faut « l’aimer et garder ses commandements ». Ils sont chemin par lequel l’amour devient vraiment humain.

Ré-écoutons pour nous-mêmes, l’appel à la sainteté que le pape François nous adresse dans son exhortation apostolique, Gaudete et Exsultate :

« Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve… Cette sainteté à laquelle le Seigneur t’appelle grandira par de petits gestes… La sainteté conduit à choisir de « vivre le moment présent en le comblant d’amour. » (14, 16 et 17)

+ Jean-Luc BRUNIN

Évêque du Havre