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Perspectives de Carême

mercredi 12 février 2020Expression de l'évêque

Dans quelques semaines, nous entrerons dans le temps liturgique du Carême. Belle occasion de réinvestir notre espace intérieur afin d’y retrouver l’essentiel de nos vies et de renforcer notre relation au Seigneur, toujours présent à nos côtés. Pour ce faire, il nous faudra prendre nos distances avec les bruits multiples et divers qui encombrent notre espace quotidien. Il ne s’agit pas de devenir indifférents aux bruits du monde et aux appels de nos frères et sœurs en humanité, mais de prendre de la distance afin d’être présent de façon renouvelée, aux autres et au monde.

L’apostolat de l’oreille

Dans une rencontre avec des jeunes italiens en mars 2017, le pape François parlait de « l’apostolat de l’oreille ». Il faisait le constat que « la technologie aide à communiquer mais on n’est plus capable de dialoguer, surtout d’écouter les autres… On commence à dialoguer avec l’oreille. Il faut donc déboucher ses oreilles et les garder ouvertes pour entendre ce qui se passe…  La langue à la seconde place mais à la première place, les oreilles ! … Il faut passer de l’écoute au dialogue concret, parce que ce qui se fait avec le téléphone portable est virtuel, ‘liquide’… Aujourd’hui, nous pouvons communiquer partout. Mais il manque le dialogue ». Nous mesurons tous l’urgence dans notre société comme dans notre Église, de retrouver des pratiques d’écoute et de dialogue. Non pas pour se convaincre mutuellement et contraindre l’autre à se ranger à notre point de vue. Mais garder une oreille attentive qui permet « d’affiner l’ouïe du cœur » afin d’entendre l’appel des autres, d’accueillir la Parole et discerner la volonté de Dieu, et d’entendre la clameur de la terre qu’on saccage de façon irresponsable.

Conversion écologique 

La Conférence des évêques de France (CEF) s’est engagée à mener une réflexion sur la conversion écologique durant trois années, à partir de l’encyclique Laudato si’. Plus qu’un thème à développer dans des cercles d’études, les évêques s’engagent à encourager leur Église diocésaine dans la recherche d’un engagement sur un chemin de conversion écologique, dans une perspective d’évangélisation.

Souvenez-vous ! Le 23 septembre 2018, au terme de la marche diocésaine des « disciples-missionnaires », nous avons choisi, comme le demandait le pape François dans Evangelii gaudium, de nous engager dans « une nouvelle étape évangélisatrice » marquée par la joie de l’Évangile et déterminant la marche de l’Église pour les prochaines années. La conversion écologique est une dimension de cette étape évangélisatrice qui rejoint de façon particulière les jeunes générations. 

Notre diocèse, depuis plus d’un an, est engagé dans la démarche initiée par le département « Écologie intégrale » de la CEF, « label Église verte ». Louise Gloor a initié avec succès, cette dynamique « Église verte ». Aodren Le Meur a pris le relais pour cette année. Animé par le dynamisme de sa jeunesse et son enthousiasme, il a constitué autour de lui une équipe référente. Avec elle, il continuera d’informer et de soutenir paroisses, mouvements, services ou établissements scolaires catholiques, dans leurs initiatives pour vivre une conversion écologique. Le temps du Carême peut permettre d’expérimenter une « sobriété heureuse » qui ouvre à la gratuité, au partage, au respect des autres et de notre environnement. Le Carême est un temps propice pour vivre une « spiritualité écologique ». « L’attitude fondamentale de se transcender, en rompant avec l’isolement de la conscience et l’autoréférentialité, est la racine qui permet toute attention aux autres et à l’environnement… Quand nous sommes capables de dépasser l’individualisme, un autre style de vie peut réellement se développer et un changement important devient possible dans la société » (Laudato si’ 208).

La démarche que vous pourrez entreprendre durant le temps de Carême connaîtra deux prolongements diocésains que je vous invite à noter dès maintenant : un Forum diocésain de l’écologie en mai 2020 et une journée de récollection diocésaine, ouverte à tous les chrétiens, le samedi 6 juin 2020.

Une cure de détox

En faisant nos courses, nous sommes surpris de la place accordée aux produits détox. Je ne me prononcerai sur l’efficacité de ces produits, mais je trouve suggestif de me référer au principe à la base de cette démarche. Tout organisme vivant comme celui de notre corps et le corps ecclésial que nous formons, accumule des toxines qui l’empoisonnent peu à peu et le place dans un état de décrépitude. Ces toxines peuvent provenir de l’intérieur, mais elles peuvent aussi être environnementales et contaminer peu à peu l’organisme vivant. La cure de détox est prétendue nécessaire pour purifier l’organisme et lui faire retrouver son équilibre et sa pleine activité.

Le temps du Carême est propice pour démarrer une telle cure détoxifiante qui permettra à notre foi au Christ et à notre communauté de retrouver son plein dynamisme missionnaire. Pour cela, repérons les toxines produites à l’interne : toxines de l’entre-soi enfermant, de l’immobilisme (le syndrome du ‘on a toujours fait comme ça’) ; toxines de nos tensions et de nos rivalités internes, des divisions souvent liées à des questions de pouvoir ; toxines de la critique négative et systématique qui ne repose que sur nos humeurs ou nos contrariétés. Toxines de nos rumeurs, de nos amertumes ressassées ou de nos nostalgies obsessionnelles qui nous ferment à l’appel du Seigneur à nous ouvrir, à « sortir » pour porter au large le témoignage de l’Évangile à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ.

Voici quelques perspectives pour vivre un temps de Carême qui nous fera progresser dans la nouvelle étape évangélisatrice et renforcera notre engagement de « disciples missionnaires ».

Bon et saint temps de Carême pour vous et dans vos communautés.

+ Jean-Luc BRUNIN

Évêque du Havre