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Témoignage du Père Guy Pasquier

jeudi 26 mars 2020Diocèse

Le carême pour les chrétiens est une période où on se prépare à accueillir la lumière de Pâques; C’est un moment où je me resitue par rapport à l’évangile: ma pratique est-elle en conformité avec celle de Jésus? J’essaie de corriger ma trajectoire, de reprendre ce qui n’est pas droit. La pratique de Jésus est celle des Béatitudes, la 1ère place donnée par lui aux pauvres, aux petits, à ceux mis à l’écart, aux victimes d’injustices. Le passage avec la situation sociale de notre pays est immédiat. La tâche pour briser les inégalités sociales, pour accueillir dignement les migrants, est immense, et le travail pour les bonnes volontés ne manque pas. Je  situe mon carême dans cette ligne-là.

Le confinement bouscule ma vie et mes engagements. Je ne peux plus monter sur les bateaux et aller visiter les marins à bord : c’est mon principal engagement au titre de la Mission de la mer. On apporte aux marins, qui sont des personnes déplacées, confinées pendant de longs mois, un air de terre, un moment d’échange, de dialogue et de partage sur leur condition de vie et de travail. En ce moment, les relèves d’équipage sont bloquées, et cela accentue leur détresse. C’est une aide gratuite, pour qu’ils puissent mieux vivre ce temps d’éloignement de leurs proches, de confrontation avec d’autres cultures, origines, étant donné que les équipages sont mélangés. Je suis très sensible à leur sort, ayant été moi-même comme prêtre un marin au long cours pendant 15 ans. Ce temps de repliement n’est pas pour moi un temps de repli, d’isolement: je continue à porter ces marins dans ma prière.

Ce temps de carême pour les chrétiens est un temps communautaire, qui est maintenant impossible à vivre. Nous vivrons Pâques seul, ou en famille, sans faire le passage en communauté dans la nuit de Pâques. Ce sera un moment frustrant. Pour moi, ce ne sera pas sans évoquer mon temps de navigation, partant pour 3-4 mois, parfois plus. J’étais quand même relié, par la pensée, le courrier, les messages, le téléphone, et par la prière, à divers groupes: ma famille, des amis, les gens de la Mission de la mer au Havre et ailleurs, la Mission de France dont je fais partie. En ce moment, les paroisses mettent en place des moyens pour rester reliés les uns aux autres, proposant une réflexion chrétienne pour ce temps particulier, mettant en place une aide pour les personnes isolées, faisant circuler des intentions de prière, etc…Une nouvelle pratique s’invente.

Il faut donner du sens à ce confinement, et continuer à rechercher ce qui est essentiel.

Guy Pasquier

24 mars 2020