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Temps ordinaire… Ordinaire du temps

lundi 6 juillet 2020Diocèse

Après la célébration de la Pentecôte où nous avons eu la joie de nous retrouver en assemblée eucharistique, – ce dont nous avions été privés depuis plusieurs semaines -, nous sommes entrés dans le temps ordinaire de l’Église. Dès les origines, l’Église a voulu que les fidèles revivent sur une année entière, les événements de l’histoire du salut accomplis en Jésus-Christ. Le temps ordinaire dans lequel nous sommes entrés, appelé aussi « temps de l’Église », n’est pas un temps banal et vide. C’est l’occasion pour nous de progresser dans la foi. C’est le temps de la maturation et de la fidélité au Christ dans le quotidien de nos vies.

Temps ordinaire centré sur le dimanche

Comme le temps du Carême et le temps pascal nous permettent d’aller « au cœur de la foi » pour nous ré-initier chaque année à la vie en Christ, le temps ordinaire est centré sur le dimanche, premier jour de la semaine, qui fait mémoire du mystère pascal à la source de notre foi. L’organisation de la liturgie du temps ordinaire met donc en valeur le dimanche, premier jour de la semaine, qui tend, hélas, à se dissoudre aujourd’hui dans le « week-end », ou à se banaliser en un jour comme les autres, où nous travaillons et consommons.

Il est donc essentiel de répercuter largement l’invitation du Christ à rejoindre chaque dimanche l’assemblée eucharistique. Cette sanctification du temps au début de la semaine, garantit un équilibre pour notre vie personnelle, familiale et sociale. L’observance dominicale met du relief dans notre existence quotidienne. Elle lui permet d’échapper à l’immédiateté à laquelle elle se trouve si souvent confrontée, ou aux rythmes soutenus qu’imposent le travail et d’autres activités contraignantes. Nous arrêter pour célébrer le dimanche, c’est nous donner la possibilité d’arracher notre vie à l’insignifiance et au non-sens. Nous accédons ainsi à une autre manière de vivre le temps, accueillant Dieu qui nous réoriente vers ce qu’Il nous appelle à devenir : « Quand vint la plénitude du temps, Dieu a envoyé son Fils (…) afin que nous soyons adoptés comme fils » (Ga 4, 4 – 5).

Inscrire notre fidélité au Christ dans l’ordinaire de nos vies

Le temps ordinaire est précieux aussi pour que notre fidélité au Christ que nous avons choisi de suivre depuis notre baptême, s’inscrive dans l’ordinaire de ce que nous avons à vivre. Le processus est adapté à notre condition humaine mais aussi à notre vie chrétienne. Toutes deux ont besoin de l’alternance des phases d’initiation/ré-initiation et de maturation sans laquelle il ne peut y avoir une authentique fidélité. C’est vrai de tous les engagements humains, quels que soient nos états de vie, nos engagements ou nos responsabilités.

Nous pouvons évoquer ici la figure de Madeleine Delbrêl, que nous espérons prochainement voir béatifiée. Elle a vécu l’évangélisation dans la rencontre et le dialogue quotidiens avec les habitants d’Ivry-sur-Seine. Elle nous a montré combien dans l’acte d’évangéliser, l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ et l’engagement dans le service des frères sont indissociables. Elle a été particulièrement sensible à l’appel d’une vie selon l’Évangile au cœur même de ce qu’elle appelait la « vie ordinaire » :

« Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ou sont des célibataires ordinaires. Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires. Des gens qui ont une maison ordinaire, des vêtements ordinaires. Ce sont les gens de la vie ordinaire (…) Nous autres, gens de la rue, croyons de toutes nos forces que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis est pour nous le lieu de notre sainteté. Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné » (Œuvres Complètes, tome 7, p. 23-24).

Des saints de l’ordinaire

Par notre baptême, nous avons été placés dans la suite du Christ, sur un chemin de sainteté. Dans une homélie d’avril 2017, le pape François s’interrogeait : « “De quoi l’Église a-t-elle besoin aujourd’hui ?” Des martyrs, témoins, à savoir, des saints de tous les jours… L’Église a besoin de saints du quotidien, ceux de la vie ordinaire menée avec cohérence […] Ils sont les témoins qui mènent l’Église en avant ; ceux qui attestent que Jésus est Ressuscité, que Jésus est vivant, et qui l’affirment avec leur cohérence de vie et la force de l’Esprit Saint qu’ils ont reçu”. Le Seigneur nous fait don de l’Esprit de Pentecôte, non pour le spectaculaire, mais pour tenir bon dans l’ordinaire de notre vie de disciple missionnaire.

Dans son Exhortation Apostolique sur la sainteté, il nous rappelle encore que le Seigneur « veut que nous soyons saints et il n’attend pas de nous que nous nous contentions d’une existence médiocre, édulcorée, sans consistance » (Gaudete et Exsultate, 1).

L’ordinaire du temps, voilà le lieu où ne cesse de retentir l’appel à la sainteté inscrit au cœur de notre vocation baptismale. Notre réponse s’élabore dans l’humilité d’un quotidien qui éprouve souvent notre fidélité à l’amour que le Seigneur nous manifeste. Nous sommes appelés, dans l’ordinaire de nos vies, à découvrir la présence du Seigneur dans « la sainteté de la porte d’à côté ».

La fidélité au Christ qui nous entraîne vers la sainteté passe toujours par notre fidélité à l’Église dont, comme baptisés, nous sommes fidèlement acteurs et responsables. Responsables de la vie des paroisses, de nos mouvements, services et aumôneries… Responsables dans les initiatives missionnaires… Acteurs dans le service de la charité du Christ pour les plus pauvres… Responsables de la vie matérielle et financière de nos communautés et de notre Église diocésaine.

Nous entrons dans le temps ordinaire, mais l’ordinaire du temps n’est ni vide ni routinier. Dieu nous y attend car il veut faire de nous, par Son Esprit, des saints de l’ordinaire.

+ Jean-Luc BRUNIN

Évêque du Havre