Dans sa dernière encyclique, Dilexit nos (Il nous a aimés), le pape François nous replaçait face au mystère de l’Amour de Dieu révélé dans le Sacré-Cœur de Jésus. Ce cœur transpercé sur la croix atteste d’un amour inconditionnel de Dieu pour l’humanité. Cet amour a sous-tendu toute la mission du Christ qui est allé jusqu’au bout du don de lui-même. Célébrer le Cœur Sacré de Jésus, au-delà de la démarche spirituelle, appelle à un engagement ferme pour « rendre le monde aimant » et servir la fraternité au nom de la volonté de Dieu de rassembler toute l’humanité.
La période difficile que traverse notre société, nous requiert pour œuvrer à l’unité de la famille humaine. Elle a vocation à s’unir dans l’amour universel de Dieu, Père de tous les hommes et dans une fraternité toujours à mettre en œuvre avec tous. Le pape Léon XIV, lors de l’Eucharistie inaugurale de son Pontificat, constatait : « À notre époque, nous voyons encore trop de discorde, trop de blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de l’autre par un paradigme économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres… ». Nous constatons chaque jour que la fraternité, même si elle demeure une perspective de notre pacte républicain, est menacée en plusieurs secteurs de notre vie sociale. Disciples du Christ, nous ne pouvons rester indifférents face à cette situation.
- Nous refusons, au nom de l’Évangile, de voir la loi poser une limite à la fraternité en renonçant à accompagner et prendre soin des personnes en fin de vie, les abandonnant à leur isolement et à leur désespoir, ne laissant comme perspective que l’assistance à mourir.
- Nous ne pouvons, au nom de l‘Évangile, voir grandir la suspicion et le ressentiment à l’égard de nos concitoyens adeptes de l’islam ou du judaïsme. Nous réaffirmons que les chemins de la rencontre, de la connaissance mutuelle et du dialogue, demeurent la seule voie vers une authentique fraternité afin donner consistance à notre devise républicaine.
- La croissance de la précarité dans les quartiers populaires et le monde rural, les tracasseries administratives qui affectent le quotidien des migrants et des réfugiés accueillis légalement parmi nous, plongent des personnes et des familles dans la misère sociale et une réelle détresse. Cela ne peut nous laisser indifférents et nous appelle à être inventifs pour mettre en œuvre la solidarité au nom de la charité de Dieu.
Responsable de l’annonce de l’Évangile avec l’ensemble des chrétiens dans l’agglomération havraise et le Pays de Caux, j’en appelle à la conscience de tous pour prendre la mesure des menaces qui pèsent sur la fraternité, ciment de notre vivre ensemble. J’en appelle en particulier aux hommes et aux femmes politiques pour garantir les conditions favorables à la cohésion sociale pour que nous arrivions à faire société ensemble, à distance de toute indifférence, suspicion mutuelle, rejet violent et mépris de l’autre.
Dans un monde chaotique et anxiogène, même si nous ressentons notre impuissance à agir à ce niveau pour neutraliser les forces de violence et de division, nous pouvons néanmoins, là où nous vivons, servir la paix et l’amitié sociale. Cela demande que nous nous mobilisions pour faire progresser concrètement la fraternité. Le Christ Ressuscité nous garantit que c’est possible. Il en a payé le prix et, grâce à Dieu, il est sorti vainqueur.
Les membres de l’Église ne peuvent donc déserter ce champ d’engagement. Le pape Léon XIV nous y engage : « nous voulons être, au cœur de cette pâte, un petit levain d’unité, de communion, de fraternité… »
J’encourage les catholiques à s’unir aux autres croyants et aux hommes et femmes de bonne volonté, pour répondre au souhait du Souverain Pontife : « construisons une Église missionnaire qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité. ».
Le Havre, le 23 mai 2025
+ Jean-Luc BRUNIN
Évêque du Havre