En ce début d’année pastorale, nous ne pouvons oublier ce moment fort vécu à l’invitation du pape François par de nombreux jeunes de notre diocèse. Ils se sont mis en route vers le Portugal pour participer aux Journées Mondiales de la Jeunesse (J.M.J). Quatre cars ont ainsi acheminé près de deux cents jeunes vers Lisbonne où ils ont rejoint un million et demi de jeunes de tous pays et de toutes cultures.
La foule immense de jeunes brandissant des drapeaux de tous pays et de tous les continents, étaient une véritable icône de la fraternité universelle. Les jeunes n’arboraient pas leur drapeau pour se poser contre les autres, mais pour affirmer leur présence spécifique au cœur de ce rassemblement mondial. La diversité des appartenances venait colorer la mondialisation de la solidarité, contre tout repli identitaire et adversité. Les enseignements du pape François attestant auprès des jeunes et au nom de la foi au Christ, qu’un autre monde était possible, trouvait ainsi dans ce rassemblement international, une application concrète. On éprouvait que la fraternité universelle n’était ni une chimère ni un rêve impossible. Nul doute qu’une telle expérience marquera profondément les jeunes qui ont eu la chance de la vivre.
Un accueil en diocèse
Les JMJ ont débuté par une première semaine vécue dans les diocèses du Portugal. Pour ce qui est du diocèse du Havre, nous avons été accueillis dans le diocèse d’Aveiro. Plusieurs membres de l’équipe accompagnatrice diocésaine s’étaient rendus, l’an dernier, pour rencontrer les responsables de notre diocèse d’accueil. Cela a grandement facilité les conditions du séjour. Les jeunes ont pu apprécier l’accueil chaleureux reçu dans les familles portugaises. Ce fut une heureuse immersion dans la vie de ces familles et dans la vie d’une paroisse portugaise. Les moments fort d’échanges, de partage, de prière et de célébration ont fait vivre une semaine riche de rencontres et de découvertes. Ce fut une belle expérience de la catholicité de notre Eglise.
Une manière d’être croyant en Jésus-Christ
Au fil de ses messages et homélies donnés lors des JMJ, le pape a cherché à dessiner les contours d’une posture chrétienne au sein d’un monde difficile. On sait que le pape est allergique à tout ce qui pourrait s’apparenter à du formatage sur des modèles figés. La foi est pour lui une aventure engagée, les yeux toujours fixés sur le Christ. Vivre en amitié avec Jésus suppose que nous ne restions pas « dans le canapé [1] » de nos certitudes, de nos habitudes anciennes. Des interventions du Saint-Père, nous retenons quelques aspects essentiels qui pourront aider les jeunes à se situer comme chrétiens, non pas dans des groupes cultivant un particularisme séparatiste, mais en solidarité avec les jeunes de leur génération auprès desquels le Christ leur demande d’être ses témoins.
Vous êtes appelés … Christ vous appelle !
Dès son premier message, le pape François a insisté sur la relation personnelle que le Christ veut nouer avec chaque jeune. « Vous n’êtes pas ici par hasard. Le Seigneur vous a appelés, non seulement en ces jours, mais dès le début de votre vie… Oui, il vous a appelé par votre nom … Ton nom est connu, il apparaît sur les réseaux sociaux, il est traité par des algorithmes qui lui associent des goûts et des préférences. Mais tout cela n’implique pas ton unicité, seulement ton utilité pour les études de marché. Ce sont les illusions du virtuel, et nous devons veiller à ne pas nous laisser tromper car aujourd’hui beaucoup de réalités qui nous attirent et nous promettent le bonheur se révèlent ensuite pour ce qu’elles sont : des choses vaines […] qui nous laissent vides intérieurement. Jésus n’est pas ainsi ! Il a confiance en chacun de vous, parce que, pour Jésus, chacun de vous est important. C’est cela Jésus ».
Les temps de louange et d’adoration ont permis aux jeunes de vivre cette relation intime et personnelle avec le Christ. Les jeunes ont pu reconnaitre, comme le disait le pape Benoit XVI, qu’« à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive [2]».
Appelés à la joie de l’Evangile
La foi au Christ n’oblige pas le chrétien à faire un pas de côté par-rapport à sérieux de sa vie et de la vie du monde. Les enseignements du pape n’avaient rien de vaporeux ni de lénifiant. Il a rejoint les jeunes dans les questions, les inquiétudes et les espoirs qui les habitent. Cependant, le discours n’était ni moralisateur, ni désespérant, ni teintés d’accents déclinistes. Au cœur des constats des difficultés et des obstacles rencontrés par les jeunes, le pape en appelait, comme dans sa première Exhortation Apostolique, à la joie de croire au Christ et de témoigner de son Evangile. « La joie ne se trouve pas dans une bibliothèque, fermée – même s’il est nécessaire d’étudier ! – mais elle se trouve ailleurs. Elle n’est pas gardée sous clé. La joie, il faut la rechercher… Il faut la découvrir dans le dialogue avec les autres, où nous devons donner ces racines de joie que nous avons reçues ». Dans un monde souvent cynique et triste, les jeunes ont été invités à devenir des « racines de joie ».
Oser s’engager pour renouveler la société
L’image de la Vierge Marie qui s’élance à travers les montagnes pour visiter sa cousine Elisabeth, fut présente au cœur des JMJ de Lisbonne. Les jeunes ont été encouragés à s’élancer à la rencontre des autres pour tisser avec eux des relations de solidarité et de fraternité. A l’encontre des trop nombreuses invitations au repli, au refus des autres qui affectent notre société, le pape a insisté pour que les jeunes chrétiens puissent « sortir » pour prendre soin de la création et développer dans leurs lieux de vie, une amitié sociale qui ouvrent des chemins d’authentique fraternité. Les évêques qui assuraient les catéchèses étaient invités à développer ces aspects d’une foi au Christ qui rend attentifs à l’écologie intégrale et au souci des plus pauvres. En conséquence, les jeunes étaient invités, contre toute régression particulariste, à vivre une Eglise ouverte à tous : « Chers amis, je voudrais être clair avec vous qui êtes allergiques aux mensonges et aux paroles creuses : il y a de la place pour tout le monde dans l’Église, pour tout le monde ! Jésus le dit clairement quand il envoie les apôtres inviter au banquet de cet homme qui l’avait préparé, il dit : « Allez chercher tout le monde, jeunes et vieux, bien portants et malades, justes et pécheurs : tous, tous, tous ». Dans l’Église, il y a de la place pour tous. […] Tous ensemble, chacun dans sa langue, répétez avec moi : « Tous, tous, tous ! » Et c’est cela l’Église, la Mère de tous. Il y a de la place pour tous. Le Seigneur ne montre pas du doigt, mais il ouvre ses bras ».
Les jeunes du diocèse qui reviennent des JMJ ont reçu cet enseignement du pape François. La Pastorale des jeunes, dans ses diverses composantes, cherchera à les accompagner pour devenir les disciples missionnaires dont le Christ a besoin pour porter l’annonce de l’Evangile dans le monde de ce temps. La question qui nous est posée et qui sera au cœur de notre année pastorale où chaque communauté sera invitée à reformuler son projet missionnaire, est de savoir comment nous allons laisser une place dans nos communautés à ces jeunes de retour de Lisbonne. Leur permettront-elles d’être au niveau de ce qu’ils ont été appelés à devenir dans leur suite du Christ ?
+ Jean-Luc BRUNIN, évêque du Havre
[1] Selon l’expression qu’il a lancée aux dernières JMJ de Cracovie.
[2] Deus caritas est, n°1
