Actualités

Discours de remerciement – Mgr Brunin

lundi 30 janvier 2017Expression de l'évêque

Discours de remerciement pour la remise de décoration

Chers amis,

Merci de votre présence qui me touche vraiment. Merci à vous, Monsieur le Député-Maire, de nous accueillir pour cette cérémonie dans les salons de l’Hôtel de Ville.

Ma gratitude va aussi à Mr Nicolas HULOT qui a accepté de venir nous rejoindre au Havre pour me remettre cette décoration décernée par la République française. Votre présence, Mr Hulot, est pour moi très symbolique de la mission que j’assume comme évêque du Havre et comme Président du Conseil « Famille et Société » au sein de la Conférence des évêques de France. Car au-delà de ma personne, c’est bien la présence et l’action de l’Église catholique dans l’espace social qui sont honorées.  

Je me souviens, Mr HULOT, dans le cadre de votre mission d’Envoyé spécial du Président de la République pour la Planète, de l’interpellation que vous avez adressée aux responsables religieux de notre pays. Vous nous invitiez à nous joindre à l’effort de mobilisation des responsables politiques et de l’ensemble de la société civile, à l’occasion de l’événement important de la COP 21 que la France accueillait. Ce fut une belle aventure que nous avons vécue et qui a permis aux religions et aux familles spirituelles de collaborer à l’éveil des consciences sur l’urgence de l’action pour enrayer les effets dévastateurs du réchauffement climatique, et pour œuvrer positivement pour sauvegarder notre planète. La mobilisation fut large, et vous n’avez pas ménagé vos efforts pour qu’il en soit ainsi. Les initiatives des uns et des autres se sont conjuguées pour sensibiliser ensemble les opinions publiques et presser les responsables des États à prendre des décisions courageuses et nécessaires pour l’avenir de notre humanité. Ensemble, auprès des responsables politiques et de nos concitoyens, nous avons contribué à faire valoir le sens du bien commun universel dans les domaines de la protection de l’environnement, mais aussi du développement mondial, pour qu’il soit plus juste et plus solidaire.

Cet épisode que je relate trop rapidement, est révélateur qu’il est possible, dans notre pays, de vivre une authentique laïcité de collaboration. Les divers organismes, associations et institutions ont su coopérer pour apporter des réponses à une question commune et universelle.

C’est durant cette période que nous avons eu la joie de découvrir l’encyclique du pape François sur l’écologie intégrale. Elle était attendue et a intéressé, au-delà des limites de la communauté des catholiques. Je garde un vif souvenir de la Conférence de presse que nous avons faite ensemble pour présenter de ce document, Laudato si’, au siège de la Conférence des évêques de France. Nous étions avec Mme Elena LASIDA, économiste et chargée de mission pour l’écologie intégrale au sein du SNFS. J’ai la joie de la saluer ce soir, présente parmi nous avec Monique Baujard, ancienne Directrice du SNFS.

Cet épisode que je relate trop rapidement, est révélateur qu’il est possible, dans notre pays, de vivre une authentique laïcité de collaboration. Les divers organismes, associations et institutions ont su coopérer pour apporter des réponses à une question commune et universelle. Chacun, dans les limites de ses prérogatives et le respect de ses spécificités, a pu contribuer à l’élaboration de solutions dans les domaines politiques, financiers, économiques, sociaux, mais aussi éthiques et spirituels. Le pape François parle de « conversion écologique » qui concerne chacun et il nous engage (je le cite) « à tracer les grandes lignes de dialogue à même de nous aider à nous sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons » (Amoris laetitia 163).

Cette expérience de collaboration pour une mobilisation citoyenne, afin que le Sommet Mondial de la COP 21 à Paris puisse aboutir à des décisions contraignantes pour les Etats, dans le cadre d’un accord universel, cela reste pour moi indicatif de l’importance d’une laïcité de coopération. Permettant à la fois de distinguer et de respecter les références idéologiques, philosophiques et religieuses de chacun des acteurs sociaux, elle facilite l’implication de tous les citoyens dans une démarche commune en vue d’édifier une société toujours plus harmonieuse, plus respectueuse de l’humain et plus intégratrice. L’Église catholique se sent concernée et entend participer à cette œuvre commune sans prétendre la régenter. Le pape Benoît XVI le précisait dans l’encyclique Deus caritas est, une encyclique sociale publiée en 2005, alors qu’apparaissaient les signes avant-coureurs de la grave crise financière et économique que nous avons connue :

« L’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer » (Benoît XVI, Deus caritas est n°28).

L’Église catholique vit du message du Christ, elle s’en nourrit. Non pas repliée sur elle-même et dans la seule intimité des consciences. La foi chrétienne a toujours une dimension sociale qui s’inscrit dans des choix, des comportements et des actes. Ils sont nombreux les chrétiens qui sont investis dans les chantiers d’une société qui se construit : dans la vie professionnelle, économique, politique et associative, dans les champs de l’éducatif, du caritatif ou de l’humanitaire. Ils veulent ainsi témoigner d’un avenir qui se construit sur la base de la justice, de l’attention aux plus pauvres et aux plus fragiles, du partage et de l’accueil de tous. Dans le Conseil Famille et Société que je préside, l’Église catholique souhaite engager le dialogue pour faire valoir et mettre humblement à disposition de tous, les ressources qui nous viennent de l’Évangile et de la tradition sociale de l’Église. Cela concerne tous les hommes et les femmes sur le chemin de leur devenir humain. Ce ne peut être un enfermement confessionnel, mais un service d’humanité.

La décoration qui m’est remise ce soir, je la reçois comme une reconnaissance de l’apport positif des chrétiens et des autres croyants, à la recherche du bien commun et à la transformation sociale vers plus de paix, de justice et de fraternité. C’est aussi un encouragement à progresser sur les chemins de l’ouverture, de la rencontre et du dialogue avec tous, sans aucune exclusion.

Quand je vous vois rassemblés ce soir, dans la diversité de nos statuts, de nos responsabilités, de nos convictions et de nos croyances, je retrouve bien cet esprit d’ouverture et d’accueil qui caractérise notre ville du Havre. Ville portuaire, ouverte sur le grand large, la Porte Océane, qui se prépare à célébrer ses 500 ans d’histoire. Nous savons au Havre – plus qu’ailleurs – que la fermeture, le repli sur soi, le rejet des autres seraient contre-nature et contreproductifs. L’avenir de la Ville du Havre et de l’ensemble de la région du Pays de Caux ne sera heureux et prospère que si nous savons cultiver « le goût des autres » (pour les non-havrais, il s’agit du nom du festival qui permet la rencontre et l’échange autour du livre). Entretenir le goût des autres est un chemin sûr vers la fraternité. L’Église catholique est heureuse d’y contribuer pour sa part, et avec tous. Merci.