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Évangéliser notre rapport au temps

lundi 2 décembre 2019Expression de l'évêque

Nous voici entrés dans le temps de l’Avent. Temps de l’attente, de la vigilance, de la patience et du désir. Pourtant, au milieu de tous les événements que les médias font défiler sur nos ondes ou nos écrans jusqu’à nous donner le tournis, le temps d’Avent risque de passer inaperçu. Temps de l’avènement du Seigneur, l’Avent requiert toute notre attention pour réfléchir et convertir notre rapport au temps. Il nous prépare à vivre l’événement de Noël, inaugurateur d’un nouveau rapport au temps. 

Habiter chrétiennement le temps

Nous voici donc invités à veiller à la façon dont nous habitons le temps. Souvent, nous nous laissons ballotter au gré des événements qui se succèdent et s’imposent à nous sans que nous ayons toujours la possibilité ni la liberté de leur donner sens. La Vierge Marie, elle qui « retenait les événements et les méditait en son cœur », nous indique une manière plus juste de vivre notre rapport au temps.

Nous connaissons à la fois des temps linéaires (le temps qui défile) et des temps cycliques (le temps du faire mémoire). La liturgie chrétienne introduit de façon cyclique, dans le temps qui passe, la mémoire de l’événement Jésus-Christ. En catéchèse, nous avons redécouvert l’importance de suivre le temps du cycle liturgique pour une réelle initiation à la foi chrétienne. Cette manière de vivre le temps est constitutif de notre être chrétien.  Il ne suffit pas de regarder « filer le temps » comme l’eau entre nos doigts. Pour nous, disciples de Jésus, le déroulement du temps de l’humanité s’est trouvé bouleversé et réorienté par l’avènement du Christ. Entré dans notre temps, il en a bouleversé l’approche.

La compréhension de ce qui passe, se réalise désormais à partir de l’événement du Salut inauguré dans l’incarnation du Fils Unique de Dieu, se prolongeant dans sa vie, sa prédication, sa mort, sa résurrection et son retour vers le Père. Notre histoire personnelle, comme l’histoire de l’humanité, prend sens à partir du premier avènement du Christ à Noël et dans l’attente de son second avènement, lors de son retour qui signera la fin des temps.

Interpréter le temps à contre-sens 

Le temps chrétien ne peut se vivre comme une combinaison de l’irréversible et du répétitif. Nous ne pouvons nous satisfaire de nous laisser porter par le fil des événements. Pour les chrétiens, l’histoire humaine s’est trouvée réorientée par l’avènement du Christ. Entré dans notre temps pour y introduire l’annonce du Royaume et la proposition du Salut, il en a renversé la perspective.

Notre vie ne peut se comprendre si nous la réduisons à un simple déroulement linéaire ou à une succession de cycles. L’événement Jésus-Christ vient déchirer la trame de notre temps pour lui donner sens à partir de l’avenir qu’il a ouvert. Il est donc contraire à la foi chrétienne de vivre le temps dans la nostalgie du passé qui consolerait d’un présent peu gratifiant, ou de nous enfermer dans le présent animé par l’ivresse de l’insouciance consumériste et hédoniste, ou encore de nous réfugier dans le rêve d’un futur idéalisé.

La foi au Christ nous fait vivre un autre rapport au temps comme le rappelle le pape Benoît XVI : « La foi n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, mais qui sont encore absents ; elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. Elle attire l’avenir dans le présent, au point que le premier n’est plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent ; le présent est touché par la réalité future … » (Benoît XVI, encyclique Spe salvi n° 7)

Le temps d’Avent nous invite à évangéliser notre rapport au temps. Les textes de la liturgie de l’Avent nous aideront à situer notre histoire entre ces deux avènements du Christ : Noël et le retour du Christ en Gloire. Entre ces deux avènements, nous sommes invités à nous déterminer aujourd’hui en fonction de la Promesse d’avenir que Dieu nous garantit en Christ Ressuscité.

Gérer notre temps en Église et pour l’Église

L’Église est l’espace où notre foi peut nous faire vivre le temps de façon authentiquement évangélique. Nous avons besoin d’elle pour vivre en disciples du Christ dans le temps de l’histoire. L’Avent peut être une belle occasion de nous interroger sur l’investissement que nous consentons pour la vie de notre Église. Elle doit pouvoir vivre sa mission d’annonce de l’Évangile, d’accompagnement des parcours de foi, de service d’humanité et de signe assuré de la Promesse de Salut au milieu des aléas de notre temps. Pour vivre cela, l’Église a besoin de tous.

Nous sentons-nous vraiment responsables de notre Église ? Souvent, l’appel à des responsabilités se heurtent à cette réponse, parfois trop facile ou trop rapide : « je n’ai pas le temps ! ». Une communauté chrétienne ne peut être vivante que dans la mesure où chaque membre s’implique de façon responsable. « Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Cor 12, 27).

Dans la communauté chrétienne, les responsabilités sont diverses et nombreuses. Durant ce temps de l’Avent, demandons-nous quelle part de notre temps nous pouvons offrir à notre Église. L’Avent nous donnera l’occasion de contempler la figure de la Vierge Marie dans l’expérience de son « fiat » donné à l’appel de Dieu pour le service de l’humanité. Elle est la figure de l’Église qui advient lorsqu’une réponse positive et généreuse est donnée à l’appel que Dieu nous adresse. Notre Église ne cesse de surgir vivante et fidèle, de tous ces « OUI » prononcés par les disciples de Jésus.  Puissions-nous y penser lorsqu’un appel nous sera adressé pour un service d’Église.

+ Jean-Luc BRUNIN

Évêque du Havre