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Expression de l’évêque

vendredi 30 janvier 2015Expression de l'évêque

Présentation des vœux à la Curie diocésaine et aux responsables des services et mouvements

Heureuse tradition que celle des vœux qui nous permet, chaque début d’année, de reprendre conscience des liens de collaboration que nous tissons au quotidien, dans la perspective d’une mission commune que nous recevons dans la diversité de nos responsabilités, pour la mettre en œuvre ensemble. Je sacrifie donc volontiers à la tradition pour cette année. Que 2016 soit pour chacun et chacune de vous, une bonne année !

Je formule d’abord des vœux de santé, pour vous-mêmes et celles et ceux qui vous sont proches et chers. Comme on le dit souvent, en réponse au souhait de bonne année : « la santé surtout ! » Celle-ci est plus que l’absence de maladie. Elle est un bien-être de soi avec soi, et de soi avec les autres. La santé d’un diocèse se mesure à la qualité des relations entre ceux et celles qui forment l’Eglise.

Dans une société déroutante qui malmène les plus fragiles et les plus vulnérables, comme dans notre Eglise qui connaît d’inévitables et nécessaires évolutions, je nous souhaite de demeurer lucides et sereins face à l’avenir. Le souhait que je formule est que votre engagement ecclésial comme salarié ou comme bénévole, soit l’occasion d’adopter un regard juste sur les réalités de notre société et de notre Eglise dans le contexte où il lui faut vivre sa mission. Ce regard juste n’est pas seulement lié à notre tempérament ou à la perspicacité de nos analyses, mais il est d’abord éduqué par le Christ, et de façon particulière en cette Année de la Miséricorde. Voilà un vœu que nous pouvons formuler pour nous-mêmes : que nous devenions miséricordieux comme notre Père des cieux est miséricordieux ! (Luc 6, 36)

Miséricorde, un mot peu familier dans nos conversations. Et pourtant, il est si riche. Il associe le cœur et la relation à l’autre. Les relations entre les humains sont souvent si peu cordiales ! La miséricorde désigne une disposition de cœur qui devrait déterminer toutes nos relations familiales, sociales et ecclésiales. Un cœur capable de « prendre pitié » de la misère de l’autre, de tout autre. Non pas au sens condescendant de celui qui regarde de haut les autres et les réalités humaines… Mais un cœur qui ne reste pas indifférent et prend soin de celui qui a besoin. Un cœur qui s’associe à la raison pour prendre en charge la misère qui touche l’autre, afin d’en comprendre les causes et de chercher à y remédier.

Nous rencontrons si souvent des personnes qui se laissent aller à des attitudes de découragement et de dépit. Outre que cela nuise gravement à l’état de leur estomac, de tels propos négatifs et de telles attitudes démobilisatrices distillent un poison mortel dans les relations sociales autant que dans les relations au sein de notre Eglise. L’amertume, la nostalgie, les persiflages malveillants sont nocifs pour la vie de la société et de l’Eglise.

Dans le message que j’ai publié pour les fêtes de Noël, je souhaitais offrir la lumière de la foi aux gens (en dehors de la communauté catholique) qui sont confrontés à des conditions de vie difficiles, à des épreuves de tous ordres. Il est si facile de se laisser dériver vers des attitudes négatives, destructrices de soi d’abord, mais aussi destructrices de la cohésion et de l’harmonie sociale. Les élections régionales ont été largement révélatrices de ce sentiment nihiliste : peu de mobilisation, choix de positions extrêmes et de solutions simplistes… Autant de révélateurs du désenchantement qui risquent de dénaturer nos relations et de compromettre l’avenir. Voilà bien les symptômes d’une société où les hommes font l’expérience de l’absence de Dieu et de l’absence de sens.

Comment ne pas évoquer en ce jour anniversaire des attentats qui ont profondément marqué notre pays, la question de Charlie Hebdo ? Elle est révélatrice de la situation paradoxale de notre société. La une de ce  journal pour l’anniversaire des massacres perpétrés est contre-productive et même une offense à la mémoire des victimes qui, pour certaines, étaient croyantes. Comment, en effet, admettre que cet hommage rendu par la nation toute entière, soit entaché par le mépris de la foi d’une partie de nos concitoyens ? Le journal satirique porte une atteinte grave à la laïcité qui n’est pas un combat contre le sentiment religieux, mais le respect de la liberté de croire en Dieu ou de ne pas y croire. L’acte de commémoration nationale ne peut qu’être bafoué par la stigmatisation d’une partie non négligeable de nos concitoyens pour qui croire à Dieu fait sens pour leur vie, y compris leur vie en société.

Plus que jamais, cette société en profonde mutation a besoin de tous pour retrouver sa cohésion et progresser sur les chemins de son avenir. Tout ce qui amalgame, stigmatise et exclut est contraire aux principes de la République et nuisible à l’harmonie sociale. La liberté d’expression ne peut se départir d’un sens de la responsabilité au moment où le peuple français a besoin d’unité.

La question qui se pose pour nous, chrétiens, dans un tel contexte social, est claire : y a-t-il encore une place pour l’espérance qui naît de la foi en un Dieu de Miséricorde ?

Cette question peut se décliner comme je l’ai fait dans le message de Noël :

Serons-nous de ceux qui désespèrent devant les conflits armés, les actes de terrorisme, les divisions et l’échec apparent du vivre ensemble ? Ou oserons-nous travailler pour pacifier et humaniser nos relations, servir la solidarité et la fraternité avec tous ?

Serons-nous de ceux qui, au mépris de la sauvegarde de la création, continuerons à produire et consommer de façon irresponsable ? Ou oserons-nous chercher de nouveaux modes de vie plus simples, plus sobres et plus soucieux de partage et de justice ?

Serons-nous de ceux qui se raidissent face aux évolutions qui bousculent nos vies familiales, modifient les comportements des jeunes, accroissent les difficultés de transmettre ce qui paraît essentiel à nos yeux ? Ou oserons-nous regarder avec bienveillance ce qui est déjà vécu de positif, même si c’est encore imparfait et partiel ? Saurons-nous accompagner les lents cheminements, même les plus tortueux et les plus différents des nôtres, sans céder à la tentation de juger et de rejeter ?

Chrétiens au service de la vie de l’Eglise dans l’agglomération havraise et le Pays de Caux, nous voici mis au défi de témoigner activement d’une espérance portée et nourrie par la foi au Christ. Elle est à annoncer et à partager à ceux qui sont loin, à ceux qui sont les plus faibles, à ceux même qui semblent perdus, hostiles ou jugés infréquentables. L’Eglise qu’il nous faut faire exister, sous la guidance du pape François, est une Eglise qui s’intéresse à la vie des gens, une Eglise en sortie, qui se porte aux périphéries existentielles, qui accepte de se transformer parfois en hôpital de campagne, qui consent toujours à accompagner des cheminements pour une croissance humaine et une découverte de la foi. C’est cette Eglise que vous servez par votre engagement bénévole ou salarié. C’est l’horizon quotidien de votre travail et de votre mission.

Pour cela, je vous souhaite de travailler à enraciner votre activité en Eglise dans une authentique vie spirituelle qui donnera souffle et perspectives à vos responsabilités. N’hésitez pas à exprimer les besoins que vous ressentez en ce domaine. C’est ainsi qu’une récollection est proposée aux membres des CPAE pour approfondir la spiritualité de la gestion des biens d’Eglise dans une perspective missionnaire. Mais d’autres propositions sont possibles et n’hésitez jamais à les avancer. Sans un tel enracinement spirituel, nous risquons d’être (toujours selon l’expression du pape François) « auto-référencés », victimes de tensions et de conflits entre nos ego, prisonniers de nos susceptibilités et de nos rancunes tenaces à l’égard des autres. C’est de cela que l’Année de la Miséricorde veut nous libérer afin de retrouver la joie de l’Evangile et le goût de la mission.

Il faut cultiver en nous le désir d’une Eglise ouverte, accueillante à la vie des gens, soucieuse de les accompagner. Le pape dans son message pour la journée de la paix du 1er janvier,  mettait  en garde contre l’indifférence qui nous menace personnellement et qui menace aussi nos communautés chrétiennes :

Cette indifférence qui nous enferme dans la conviction qu’il faut faire comme on a toujours fait et qui nous rend inhospitaliers aux nouveaux venus à la foi (jeunes, catéchumènes…).

Cette indifférence qui nous enferme dans un « entre-soi » communautaire, et nous fait attendre que les autres s’intéressent à l’Eglise pour, enfin, nous intéresser à eux.

Cette indifférence qui ramène les autres sur notre terrain familier au lieu d’oser des initiatives missionnaires pour rejoindre, proposer le dialogue et témoigner de la foi qui nous fait vivre et de l’espérance qui nous soulève.

L’Année de la Miséricorde est une année pour chasser de nos cœurs et de nos communautés l’indifférence, la malveillance, la tiédeur apostolique. La Miséricorde de Dieu peut dilater nos cœurs, élargir l’espace de nos communautés et oser des ouvertures pour annoncer l’Evangile à ceux qui l’attendent.

Merci d’être au service de cette Eglise que nous faisons exister ensemble. Que ce soit, pour chacun et chacune de vous, la source d’une joie renouvelée en cette année qui commence. Bonne année !

Votre évêque,

+ Jean-Luc Brunin


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