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Homélie – Inhumation abbé André Recher

mardi 4 mai 2021Zoom sur

Notre frère prêtre André Recher est décédé brusquement au matin du dimanche du bon pasteur. Lui le premier prêtre ordonné pour le nouveau diocèse du Havre meurt au moment où nous prions pour toutes les vocations. Recevoir sa vie du Christ, le bon pasteur.

    Jésus-Christ qui se présente aussi comme la vigne, entendions-nous ce dimanche : « demeurez en moi, porter du fruit ».

    La mort surprenante d’André Recher provoque en nous un sentiment d’inachevé. Une relation qui n’a pas été jusqu’au bout, des échanges et des apaisements qui ont manqué, un merci qui n’a pas pu se dire.

    La foi en la résurrection, c’est croire que cette vie se poursuivra en Dieu, que les différents actes posés prendront sens, que de beaux fruits seront mis en valeur.

    Aujourd’hui, continuons à confesser Jésus-Christ ressuscité ; prenons appui sur Jésus-Christ qui est « le chemin, la vérité, la vie ». Les textes liturgiques qui nous soutiennent dans notre prière sont ceux de ce jour, de ce lundi, fête des Apôtres St Philippe et St Jacques.

    Inlassablement Jésus-Christ explique aux Apôtres qui il est, combien il révèle le visage de celui que nous cherchons, de Dieu qu’il nomme son Père. Jésus est le pédagogue par excellence.

    En pensant à la vie d’André Recher, depuis le premier jour où je l’ai croisé, ici dans cette cathédrale, à la fin de son ordination presbytérale, alors que j’entrais au séminaire, il s’est présenté à moi comme le formateur, le pédagogue, celui qui était passionné d’éduquer des jeunes, des adultes, de les conduire vers des prises de responsabilité, une liberté de penser, un épanouissement dans une foi d’adulte.

    Parmi tout ce que j’ai entendu de vous au sujet d’André je retiens quelques témoignages de jeunes de l’époque, de ceux des camps JEC.

    « Tu nous faisais confiance et tu nous as aidés à grandir dans la liberté … Tu nous as donné au tournant de l’enfance l’essentiel de notre sang d’adultes. Tu as été là pour le meilleur, au moment propice. Ce début de route ensemble a été une chance inestimable et restera un souvenir inaltérable … J’ai gardé en moi la représentation d’un homme engagé, alliant bienveillance et exigence, un homme de conviction mais ouvert au dialogue, sa mauvaise humeur cédait rapidement le pas à sa jovialité et sa bonhomie ».

    Nous l’avons accompagné dans le renouveau de la JEC, dans le début d’une pastorale des jeunes pour la ville du Havre avec la restructuration de l’aumônerie des lycées de l’enseignement public. Jeune prêtre, il a mis au service des missions confiées toute la compétence acquise dans sa responsabilité de directeur de centres de vacances et de formateurs de futurs directeurs à l’UFCV ; toute la part de l’utopie éducative de cette époque.

    Et nous les adultes, il a su nous ouvrir à l’art de l’image et des symboles en catéchèse, à toutes les nouveautés informatiques puis d’Internet. Des outils pour communiquer dans le diocèse. Une passion pour ce monde des images ; que de photos engrangées ; ce monde de la bande dessinée, du cinéma, des séries, des jeux vidéo, des nouveautés informatiques. Il était addict, comme le reconnaissent ces neveux et nièces.

    Compétences et passions humaines au service de ce grand mouvement de l’annonce évangélique, de l’acte de catéchèse. Chaque baptisé, chaque prêtre épanouit ainsi sa personnalité quand il répond à l’appel du Seigneur à le suivre ; à devenir pêcheur d’homme quand il a été pêcheur de poissons ; à développer des technologies dans l’Eglise quand on a fait des études de sciences physiques.

    Dans cet évangile, Thomas puis Philippe interrogent Jésus. Ailleurs chez St Jean c’est Nicodème ou la Samaritaine. Ce sont d’autres rencontres. J’ai souvenir de la passion qu’avait André de présenter Zachée. Chacune de ces figures bibliques est proche de nous, de chacun, d’un prêtre comme André, de toute personne qui s’est engagée, en particulier les religieux, les diacres, les prêtres, les évêques. Nous cherchons Dieu ; nous cherchons à décrire Dieu. Une foi en dialogue, une foi en interrogation.

    André Recher a été plongé dans ce grand bouillonnement de l’après-concile. Il a été séduit par les expressions théologiques novatrices, qui libérait chacun d’une religion de la peur. Il a été touché par le Christ homme libre qui ouvre des possibles à chacun. Comme nous tous il a cherché à témoigner de sa foi, il a cherché à en rendre compte. Plus d’un d’entre nous a été marqué par ses convictions, par la force de ses homélies. A d’autres moments nous nous sommes heurtés ; nous ne portions plus le même regard sur ce qui faut mettre en avant. André Recher était entier, convaincu. Il a été en désaccord avec certains sur des questions éducatives ou pastorales. Venant d’un milieu modeste il ne supportait pas les privilèges donnés à quelques-uns et a été excessif dans son désir d’égalité entre les chrétiens, entre les prêtres.  Il a pu se sentir remis en cause. Il a été blessé par des réactions ou la valorisation d’attitudes contraires à ses convictions. Il demeurait très pudique là-dessus.

    Chaque prêtre apporte sa sensibilité à cette recherche de la foi. Jésus-Christ apparait à Pierre, aux Douze, à 500 frères, à Jacques. Entendons cette diversité, vivons cette diversité. Seul le Christ, le bon pasteur rassemble ; ouvre notre regard. « Il y aura un seul troupeau » (Evangile du Bon Pasteur, Jn 10, 16).

    Cet évangile d’aujourd’hui tout comme la première lettre aux Corinthiens mettent en valeur les apôtres dans leur diversité. Ils sont la base de l’Eglise, peuple des croyants.

    Nous savons tous combien André Recher a été homme de cette Eglise, viscéralement attaché au diocèse du Havre. Faut-il rappeler toutes ses missions reçues en presque 44 années, tant au plan des aumôneries, des paroisses, des mouvements, des pèlerinages, des services de l’évêché.

    Il a été la cheville ouvrière, le concepteur de tous les rassemblements diocésains, mettant en œuvre ce qu’il a pu acquérir comme acteur dans un théâtre amateur durant ses jeunes années. Que de grands moments qui ont dynamisées plusieurs générations de chrétiens. Que de belles fêtes liturgiques en paroisse, particulièrement au moment de Noël.

    Il a été l’ouvrier caché de bien des structurations des services diocésains, de bien des mises en œuvre de projets diocésains. C’est le travail nécessaire, constant, d’un collaborateur proche de l’évêque ; où André Recher a su mettre toute son intelligence, ses compétences techniques, son énergie … au risque de désaccords ou d’interrogations sur l’avenir de tel projet. « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grande » nous affirme Jésus-Christ. C’est notre ambition de croyants, c’est la passion des prêtres, que d’œuvrer, même de manière cachée, pour Jésus-Christ et son Eglise. Cela demande du discernement, vécu dans un conseil épiscopal ; cela demande du soutien, de la bienveillance, portée par le Peuple de Dieu rassemblé en Eglise diocésaine.

    Témoin du Christ ressuscité André Recher est appelé aujourd’hui à connaitre le face à face avec Dieu ; à ouvrir son regard à l’œuvre entière de Dieu.

    Il a œuvré pour que Dieu soit glorifié. Qu’il entre dans la joie de son maitre.

Abbé Marcel Maurin