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Homélie Messe de rentrée des scoutismes

mercredi 2 octobre 2019Expression de l'évêque

28 septembre 2019

Si j’avais un conseil à donner à ce riche de l’évangile que nous venons d’entendre, ce serait de s’inscrire dans le scoutisme. Dans la pédagogie scoute il trouverait tous les antidotes des maux qui l’assaillent : égoïsme, indifférence, cœur fermé …

Considérons un peu les personnages de cette parabole. Il y a un riche et un pauvre. Il n’est pas dit s’il s’agissait d’un bon ou d’un mauvais riche, ni d’un bon ou d’un mauvais pauvre. Non. Tout simplement l’Évangile nous parle d’un riche bien habillé qui prend des festins somptueux, et d’un pauvre couvert de plaies qui n’a rien à manger.

Le pauvre aurait bien voulu manger les miettes qui tombaient de la table du riche. Pourtant, il n’est pas dit qu’il ait demandé quelque chose à manger, ni qu’on le lui aurait refusé. Ces deux hommes vivent tout simplement l’un à côté de l’autre et s’ignorent, sans méchanceté ni jalousie.  C’est une histoire sans paroles, la communication a disjoncté ! La seule note d’amitié vient d’un chien qui, nous dit le texte, s’approche du pauvre pour lui lécher les plaies.

La parabole évoque pour une large part, la société dans laquelle nous vivons. Nous sommes immergés dans une société de l’indifférence. Ce n’est pas la guerre, ni la contestation. Mais, dans ce monde, on vit en s’ignorant. On pourrait dire que ce qui se passe aujourd’hui en Méditerranée, comme partout où les portes sont fermées à l’étranger, c’est la répétition de ce que décrit la parabole de l’Évangile que nous venons de lire. Ce qui a conduit le pape François, dès le début de son Pontificat, à dénoncer « la mondialisation de l’indifférence ».

Oui, notre monde meurt de notre indifférence : indifférents aux réfugiés … indifférents aux injustices sociales … indifférence à l’égard des pays pauvres qui s’enfoncent dans la misère ou qui voient leur environnement devenir inhabitable à cause de la montée des eaux dû au réchauffement climatique … indifférence à la planète qu’on continue de dégrader sans nous soucier de ce que les jeunes générations vont hériter …

Dans le monde d’indifférence, nous sommes dans la non-relation qui enferme dans l’anonymat. Vous avez remarqué que le riche n’a pas de nom. Il représente tous ceux qui, enfermés dans la possession de leur richesse, sont inaptes au partage et à la solidarité. Ne pas partager, garder tout pour soi, se crisper sur ses richesses, c’est sombrer dans l’anonymat. Je n’existe que pour moi, je n’existe pas vers et pour les autres. Il n’était pas méchant, cet homme riche, mais tout simplement inconscient, et cela, tout au long de sa vie. Le pauvre, par contre, a un nom : Lazare dont l’étymologie est ‘el ‘Azar et qui veut dire « Dieu secourt ». Dieu s’intéresse à la misère des pauvres. Le pauvre existe dans le regard de Dieu et il obtient miséricorde. Par contre le riche, enfermé dans sa suffisance, ignore Dieu et n’est pas connu de Dieu. Il est comblé, il n’attend rien, il n’espère rien, il n’a besoin de personne. L’évangile nous dit alors qu’il n’a pas de nom, qu’il n’existe pas puisqu’exister, c’est toujours exister en relation avec les autres … avec Dieu !

À sa mort, le pauvre Lazare, qui gisait par terre, est emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Lorsque le riche meurt, lui qui a reposé toute sa vie sur de riches divans, est tout simplement enterré. Trop lié aux richesses matérielles et aux réalités d’ici-bas, il y reste enchaîné après sa mort.

Il souffre maintenant terriblement et il voudrait épargner le même sort à ses frères. Il demande qu’Abraham leur envoie Lazare pour les sortir de la torpeur de leur vie de luxe et de leur indifférence. Mais Abraham répond : « C’est inutile. Ils sont inconscients. Ils ont Moïse, c’est-à-dire la Loi et les prophètes. S’ils ne les écoutent pas ils n’écouteraient pas non plus quelqu’un qui ressusciterait des morts ». Nous pouvons dire aujourd’hui que nous avons le Message de Jésus, son Évangile. Cela suffit pour découvrir la vraie manière de vivre les uns avec les autres. Venu de la part de Dieu, Jésus est pour nous, modèle d’humanité.

Et vous, chers jeunes amis, c’est le scoutisme qui vous apprend à devenir humains à la manière de Jésus. La vie en groupe que vous menez dans l’amitié, dans le souci les uns des autres, dans la volonté de servir et le respect de la nature… voilà autant de chemins par lesquels vous adoptez peu à peu l’art de vivre du Christ. Le scoutisme vous apprend à devenir bâtisseurs d’un monde solidaire, juste et fraternel. Le Seigneur vous reconnaît alors comme l’un des siens, coopérateurs d’une humanité nouvelle, d’une civilisation de l’amour.

Que cette nouvelle année que vous engagez dans le scoutisme vous ouvre aux autres et au Seigneur, avec l’aide de vos responsables et de vos chefs, avec vos aumôniers. Devenez ainsi les témoins de Jésus auprès des autres et donnez-leur le goût de vivre l’Évangile.

Mgr Jean-Luc Brunin

Évêque du Havre