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Homélie 29 mars

samedi 28 mars 2020

Pères Bruno GOLFIER et François ODINET

Quand Lazare meurt, Jésus perd un ami proche. C’est pourquoi il vient rencontrer la famille de Lazare : sa sœur Marthe, son autre sœur Marie. Mais Jésus ne rejoint pas la maison familiale. Il va là où personne ne lui a demandé d’aller : il se rend au tombeau. Cela surprend tout le monde.

De la même manière, l’épidémie que nous traversons, et le confinement qui nous contraint, nous font approcher des tombeaux. C’est exactement là où nous n’avons pas envie d’aller. Et pourtant… D’un côté, l’épidémie nous confronte à la mort, ou au moins à la possibilité sérieuse de la mort. Elle génère la peur de perdre nos proches, notamment les plus fragiles. Nous risquons aussi de percevoir les autres comme une menace, car ils peuvent nous contaminer. D’un autre côté, le confinement lui-même est plus douloureux pour certains que pour d’autres. Car pour une partie d’entre nous, c’est un temps en famille, synonyme de repos. Mais pour d’autres, c’est un moment redoutable : le logement est trop petit, la nourriture manque, il n’y a plus grand-monde qui réponde aux appels, la violence déchire la vie familiale, sans fuite possible.

Nous pensons peut-être comme Marthe, comme Marie, et comme les autres : si Jésus était présent, il n’y aurait ni mort ni problème. Autrement dit, le fait que quelqu’un meure, ou le fait que quelqu’un souffre, c’est le signe que Dieu nous a abandonnés ; ou même, c’est le signe que Dieu n’existe pas, qu’il est absent. C’est ce reproche qui est fait à Jésus : « si tu avais été là, il ne serait pas mort ». Peut-être que nous avons déjà adressé ce reproche à Dieu dans nos épreuves ou dans nos deuils. Peut-être que, lorsque nous sommes dans une forte inquiétude, nous avons l’impression que Dieu est absent. Notons que Jésus n’en veut pas à ceux qui lui font cette critique. Sa réponse, c’est de les entraîner tous vers le tombeau de Lazare, de se rendre présent là où on lui reproche d’être absent.

Alors faisons un pari : il peut se passer pour nous la même chose que pour Marthe, Marie et tous ceux qui sont à Béthanie. Jésus emmène tout le village près du tombeau de Lazare et, justement à cet endroit, il montre qu’il est « la résurrection et la vie ». De même, Dieu se révèle exactement là où sont nos tombeaux. Dieu s’approche du lieu où nous pleurons, il vient là où l’angoisse est la plus forte. Nous pouvons relire cet évangile en découvrant comment Jésus se rend présent à cet endroit.

Jésus refait le chemin que la famille et les amis ont pris au moment de l’enterrement. À l’arrivée, il pleure sincèrement, comme les autres, au point que les gens se rendent compte de son amitié pour Lazare. C’est alors que Jésus montre comment il est présent dans le deuil, dans l’angoisse et dans les difficultés : il prend le même chemin que nous. Jésus plonge dans notre douleur, il la prend sur lui, et elle le submerge au point de lui tirer des larmes. Le Christ traverse lui-même les étapes de la tristesse, des larmes, puis de la confiance en son Père. Il est bon de découvrir que Dieu ne nous demande pas de traverser les épreuves et le deuil comme si la foi devait tout rendre facile. Au contraire, Jésus est tellement humain qu’il a partagé tous ces sentiments, les uns après les autres.