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Un temps pour changer de monde

mercredi 14 février 2018Diocèse

Message de Carême 2018

« Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ». Cette phrase, nous l’entendrons dès les premières heures du Carême. Elle sera prononcée au moment où nous nous avancerons pour recevoir sur notre front, le signe de la cendre. Cette démarche inaugure notre entrée en Carême, elle est la reconnaissance de notre responsabilité dans la destruction de la bienveillance, de la justice, de la paix et de la fraternité dans notre environnement familial et social.

Mais, au-delà de la reconnaissance de notre péché qui compromet un monde harmonieux et fraternel, le temps du Carême est aussi et surtout un temps de conversion personnelle et communautaire à l’Evangile. Pour cela, j’invite les chrétiens  et les communautés du diocèse à envisager plus particulièrement cette année, ce que le Christ nous demande de changer dans nos habitudes et nos comportements pour nous engager dans une authentique « conversion écologique ». Le pape François nous adresse cet appel dans son encyclique Laudato si’ :

« Ils [les chrétiens] ont donc besoin d’une conversion écologique qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure…  J’invite tous les chrétiens à expliciter cette dimension de leur conversion, en permettant que la force et la lumière de la grâce reçue s’étendent aussi à leur relation avec les autres créatures ainsi qu’avec le monde qui les entoure, et suscitent cette fraternité sublime avec toute la création, que saint François d’Assise a vécue d’une manière si lumineuse. » (217…222)

J’invite les chrétiens  et les communautés du diocèse à envisager plus particulièrement cette année, ce que le Christ nous demande de changer dans nos habitudes et nos comportements pour nous engager dans une authentique « conversion écologique »

Le temps du Carême peut donc devenir un moment d’attention et de bienveillance « pour écouter la clameur de la terre [et] la clameur des pauvres. » (49). Une telle écoute peut nous mobiliser pour transformer concrètement les situations, réviser nos comportements et nos  pratiques qui défigurent notre environnement et piétinent la dignité des plus pauvres et des plus fragiles. La crise écologique dans laquelle « tout est lié », n’est pas fatale. Elle requiert le meilleur de nous-mêmes pour la résoudre. « Chaque crise cache une bonne nouvelle qu’il faut savoir écouter en affinant l’ouïe du cœur. » (Amoris laetitia 232)

La conversion écologique se vit à tous les niveaux de notre existence personnelle, familiale et sociale. C’est d’abord assumer de façon responsable l’environnement dans lequel nous vivons. Nous n’y sommes pas que des figurants ; le Seigneur nous appelle à y devenir des acteurs de transformation dans la perspective du Royaume qu’il est venu inaugurer parmi nous. Pour y répondre, il ne sera pas suffisant de nous adapter au monde qui change. Nous risquerions de glisser vers une adaptation résignée, plus ou moins consentie, aux évolutions de la société. Laudato si’ livre une analyse de la crise écologique globale, propose une réflexion ancrée dans la Révélation pour nous engager dans un dialogue et une action en vue d’aménager « notre maison commune ».

La conversion que le Seigneur attend de nous ne se réalise pas tant dans notre volonté de changer le monde que dans nos engagements concrets pour changer de monde

La conversion que le Seigneur attend de nous ne se réalise pas tant dans notre volonté de changer le monde que dans nos engagements concrets pour changer de monde. Ce sont davantage que des aménagements aux marges de notre existence. La conversion écologique nous conduit à un changement radical de nos modes de vie. Changer le monde, c’est encore l’envisager à partir de nous-mêmes, de nos analyses, nos intérêts ou nos idéologies. Changer de monde, au contraire, c’est l’accueillir comme un don qui vient de plus loin que nous. Certes, les évolutions de notre société nous questionnent, les événements s’imposent à nous et nous bouleversent parfois. Avec patience et dans la force de l’Esprit-Saint, il nous faut apprendre de façon réaliste, comment vivre notre fidélité au Christ et témoigner de l’Évangile dans un compagnonnage d’humanité avec nos contemporains. Cette démarche nous engage dans un travail sur nous-mêmes afin de nous arracher aux logiques trop mondaines, aux déceptions et aux amertumes, pour écouter les clameurs de la terre et des pauvres, comprendre leurs situations et répondre aux besoins perçus en renouvelant notre regard, nos comportements et nos projets d’action.

Changer de monde, au contraire, c’est l’accueillir comme un don qui vient de plus loin que nous

En ce temps de Carême, laissons le Christ éclairer notre regard pour que nous devenions davantage capables de discerner dans d’aujourd’hui des situations humaines, les signes du Royaume qui ne cesse de venir à nous.  Jésus n’a pas pris le pouvoir pour changer la société de son temps. Mais il a voulu rejoindre les foules des oubliés et des méprisés, afin qu’elles reprennent courage, se laissent gagner par l’espoir d’un monde renouvelé dont Jésus garantissait la promesse et qui se laissait entrevoir dans leur vie quotidienne. Par une mobilisation intérieure renforcée par la foi en Sa Parole, il permettait à tous ceux et celles qu’il rencontrait, de changer de monde, de se mettre au diapason du Royaume pour s’y convertir et ajuster leurs  comportement et leurs façons de penser.

Vivre le Carême dans cet esprit, c’est faire effort pour nous arracher à nos habitudes de vie, à ce qui demeure encore trop marqué par les logiques du monde ancien défiguré par le péché, pour nous ajuster à la nouveauté et à la joie de l’Évangile du Royaume.

+ Jean-Luc BRUNIN, Évêque du Havre